samedi 5 janvier 2008

Femmes battues. Quand les masques tombent


Violence conjugale

Femmes battues. Quand les masques tombent

Docteurs, avocats, médecins, commerçants, des fonctionnaires hauts placés peuvent aussi se montrer violents auprès de leurs conjointes. Et pourtant leur niveau d’instruction ne nous laisse guère penser, envisager que la maltraitance de leur épouse fait partie de leurs réflexes. L’idée que seul le pauvre ouvrier pouvait frapper son épouse est dépassée. Aujourd’hui, la violence conjugale est un fléau qui touche tous les milieux sociaux. Toutes les cultures.


Le chiffre noir de la violence conjugale est en hausse. Les témoignages se succèdent et se ressemblent. Beaucoup de victimes versent leurs larmes en silence et n’osent ni porter plainte ni en parler. Et oser imaginer qu’elles puissent entamer une procédure de divorce est presque invraisemblable. Elles préfèrent se taire et vivre leur calvaire en silence.

Qu’est-ce qui les retient de faire respecter leurs droits ? Ne faisant pas confiance au système judiciaire, elles ont peur que leurs droits ne soient pas défendus. En effet, venant de milieux favorisés, leurs maris peuvent faire jouer leurs relations pour étouffer l’affaire.

Les clignotants au rouge :

Le chiffre noir de la violence à l’égard des femmes, traduit sans ambages, qu’il a atteint un seuil critique. Selon l’institut national de la santé publique 9000 algériennes se rendent chaque année à l’hôpital pour soigner leurs blessures dont 75% des agressions ont eu lieu au domicile, commises par leurs conjoints.

3746 cas de femmes battues en 2003. 50% des victimes de violence sont âgées entre 23 et 40 ans. S’agissant de leur niveau d’instruction 26% sont illettrées, 26,2% ont un niveau d’instruction moyen, 19,8% ont un niveau secondaire et 5,6% des femmes ont effectué des études universitaires. Il est à souligner que 50% des femmes sont mariées, 9000 femmes sont régulièrement victimes de violence conjugale chaque année. 69,5% de femmes sont sans emploi.

3746 cas traités par le secteur de la santé, 2444 par celui de la police, 2130 par les tribunaux et 713 femmes ont été prises en charge par le centre d’écoute sans jamais porter plainte. 7179 femmes sont battues en 2004 contre plus de 50% des femmes sont victimes de différentes violences en 2006.

Selon le Pr Mostefaoui.A, médecin légiste et directeur des activités médicales et paramédicales à l’hôpital Beni Messous, «dès la première violence, c’est une raison valable pour une première démarche d’entamer une procédure de divorce ». Une à deux femmes par jour viennent le consulter. Et celles qui ont le courage de le faire savoir pour se faire écouter et déposer plainte sont, «des habituées de la violence», celles qui subissent régulièrement ce calvaire. Les autres victimes arrivent à traverser le seuil de la porte pour une consultation, elles se contentent d’un certificat ensuite elles repartent chez elles bon gré malgré. Elles sont retenues par la peur, par le manque de ressource …par amour

«La violence prend de l’ampleur, il y a meme des cas de deces ou sont etablies des autopsies », il ajoute « il y a eu un développement aux niveau des armes utilisés»,

«Une étudiante a été récemment assassinée par un coup de couteau au ventre par un prétendent éconduit ».

Khadija, une habituée de la violence, vient pour une consultation au service de medecine légale. L’œil poché, le regard crispé, marié à un alcoolique et ex-prisonnier, khadija a longuement supporté les violences verbales, insultes humiliantes dégradantes, et les violences physiques qu’elle subit régulièrement. Son mari lui a défiguré le visage a l’aide d’ un couteau », elle veut se faire entendre, elle est là, elle attend son tour .

Un cercle vicieux :

La violence conjugale est un problème délicat sur lequel on jette trop souvent un voile. Aujourd’hui beaucoup de femmes subissent, supportent, vivent le contrôle et l’autorité de leurs époux. La violence conjugale n’est pas le propre des milieux défavorisés. On evoque souvent des chômeurs maltraitant leurs femmes pour des problèmes financiers. Ou bien des alcooliques faisant vivre la terreur à leurs conjointes.

Souvent pointés du doigt, le chômage et l’alcoolisme sont les principaux facteurs de violence. Concernant les hommes riches, ou les époux ayant des postes honorables , « le problème conjugal est souvent lie a l’infidelite dans le couple. La violence peut également être liée à l’incompatibilité de niveau intellectuel».

Cependant, il est certainement plus difficile à la femme de parler dans des milieux favorisés où le paraître est très important. De plus, le diktat du mari est encore plus imposant.

Des témoignages de femmes battues après le drame, chez elles, sortent de leur isolement, osent briser le mur, osent dire!

Le regard sombre et un sourire triste, Fatiha salut d’un geste las, elle guette à partir de la fenêtre l’arrivée de son mari, de peur qu’il me trouve chez elle. Une blonde très charmante âgée de 39 ans, Fatiha, c’est ainsi qu’on la nommera, est native de Bejaia, elle s’est mariée il y a une dizaine d’années avec Azedine, qui est du même âge. Commerçant de son état et originaire de Tizi Ouzou, Le couple s’est installé à Chéraga. « Ma famille ne l’a jamais accepté, un soir quelques jours avant nos fiançailles, il est venu chez nous ivre mort, c’est là que mes parents m’on déconseillée de me lier à un alcoolique, mais moi je voulais me marier, Azedine avait une bonne situation, contrairement à la nôtre, je pouvais avoir tout ce que je souhaitais. Et je me suis mariée avec lui pensant trouver le bonheur. Le jour même du mariage, Azedine était soul. Je l’ai accepté tel qu’il est. On s’est marié et ça s’est très bien passé. Trois jours après le mariage, mon époux a décidé de me ramener chez mes parents en me reprochant de ne pas être vierge, me traitant de tous les mots et proférant des insultes à mon encontre. Il allait me frapper et je n’ai eu mon salut qu’à ma belle mère qui s’est interposée pour éviter un conflit en lui disant «que diront les gens » ?

Il a fini par oublier l’histoire, et on a déménagé à El Achour. Quelques temps après je suis tombée enceinte de mon unique enfant. A ce moment, je me demandais comment faire. Je me suis sentie encore plus liée à lui. Azedine me déteste encore plus, il m’a demandé d’avorter. Etant enceinte de 7 mois, il a cogne ma tête contre le mur, il m’a mise dehors en pleine nuit, je suis sortie en chemise de nuit et pieds nus en plein mois de février. La gendarmerie a enregistré ma déposition. En retournant à la maison, la gendarmerie s’est présentée pour plus de renseignements, mais moi j’ai tout nié, les coups et la maltraitance de Azedine, et j’ai retiré ma plainte. Je ne pouvais pas ne pas mentir, mon époux m’a menacée de « crever » le bébé si j’en parle.

Puis il a voulu déménager. Ma belle mère et ma belle sœur sont constamment chez moi et elles ne font que me surveiller. Quand ils sortent, ils ferment la porte à clé de l’extérieur. Je faisais à manger, le ménage, la bonne dans ma propre maison aucune d’elles ne daignaient m’aider. J’étais obligée d’être à leur service, voir ce qui leur manque, s’ils ont besoin de quelque chose. Je n’avais pas le droit de me plaindre, sinon il se jette sur moi pour m’infliger une véritable correction. Il m’a coupé du monde extérieur de ma famille de mes voisines. Il rentre toujours tard, ivre mort et il me frappe pour un oui ou pour non, je n’avais nullement le droit de le contredire. Il fallait faire les choses comme il voulait, quand il voulait.

Puis j’ai accouché de ma fille Selma. Personne ne venait me voir à l’hôpital. J’étais triste. Il devait venir nous chercher il ne l’a pas fait. J’étais obligée d’appeler son oncle pour qu’il me ramène chez moi. Quand il est rentré, il m’a battue. Il disait que je n’aurai pas du appeler son oncle.

Il avait des soupçons sur la paternité. Il a fait des testes de paternité. Ensuite ma belle mère et ma belle sœur sont parties au bled. Et Azedine faisait tout ce qu’il voulait il me battait il nous laissait sans nourriture, j’ai fait une dépression. J’ai perdu environ 20 Kg. J’ai été hospitalisée pendant plusieurs jours. Après ça, il a commencé à me faire sortir à aimer la gamine et à me faire confiance. Il m’a même fait un duplicata des clés. Peu de temps après, il a recommencé à

m’accuser de l’avoir trompé, il a recommencé à sortir avec les femmes et à boire. Des fois, il ne rentre pas pendant 3 à 4 jours. Il a emmené la gamine au bled pendant 13 jours, sans moi. Je ne savais pas comment réagir. J’avais peur qu’elle prenne froid je le suppliais de rester avec ma fille, mais lui, il reste de marbre. Il me battait avec sa ceinture ou bien le fil de la radio, il a coupé la ligne téléphonique. Il n y avait rien à manger à la maison.

J’allais en cachette chez une voisine demander un peu de pain. Un jour il est rentré, il a constaté l’arrivée de mes parents et ma sœur chez moi. Il a piqué une crise. Et dès leur départ, il m’a frappée et il m’a battue avec son ceinturon jusqu’au sang. Je n’ai pas pu bouger pendant plusieurs jours. Je voulais m’en aller, mais mes parents m’ont clairement fait comprendre qu’ils ne voulaient pas d’un divorce. Quant à Azedine il me demande de m’en aller sans la petite. Il m’a prévenue que je n’aurai jamais la garde de ma fille, car il a beaucoup d’argent et qu’il peut se payer les meilleurs avocats du pays, j’ai peur de lui j’ai peur de perdre mes droits je me sens paralysée et que toutes les portes sont fermées. Ma sœur vient me consoler de temps à autres en cachette, et je le guette par la fenêtre de peur qu’il vienne et qu’il la trouve chez moi. Elle m’a donné l’adresse d’un avocat. Mais j’hésite à l’engager, contrairement à mon mari, je n’ai pas d’argent depuis que j’ai arrêté d’enseigner, je ne dispose d’aucun revenu. Et puis j’ai peur de perdre mes droits, la garde de la gamine. Il peut jouer de ses relations pour obtenir tout ce qu’il souhaite.
Aujourd’hui ma fillette a presque dix ans et elle comprend le manège de son père, Azedine l’a scolarisée dans une école privée et ma fille ne veut pas de ça on habite à deux pas de l’école primaire, elle veut être avec ses copines du quartier. Des fois, elle sèche les cours de peur de ne pas me trouver a la maison ou bien de revenir à midi et de trouver sa mère morte. Mon époux me demande de partir sans la petite, mes parents ne veulent plus de moi, et j’ai arrêté mon activité…». Fatiha vie toujours son calvaire en silence.

Généralement, depuis quelques années, le tabou entourant le sujet commence à tomber. Les, enquêtes, publications ou encore articles contribuent à une prise de conscience de l'opinion publique. Du coup, de plus en plus de femmes réalisent ce qu'elles vivent et appellent des associations pour une aide psychologique, elles sont de plus en plus nombreuses.

Beaucoup de femmes hésitent à abandonner le foyer, car celles qui quittent un homme violent ne voient pas leur calvaire s’arrêter aussitôt elles fuient les coups, la violence psychologique et elles doivent alors se reconstruire retrouver un logement un emploi et surtout l’envie de vivre.

C'est le cas de Ghania, une jeune Oranaise de 22 ans et qui est divorcée. Elle avait épousé Bachir, il y a quelques années, ingénieur de son état et établi en Italie « C'était un mariage arrangé, sans mon consentement, j'avais alors 19 ans. Ma mère m'a forcée à l'épouser. J'ai arrêté mes études et je me suis liée à Bachir qui avait 20 ans de plus que moi. Le jour même du mariage, il m'a battue parce que

je ne voulais pas avoir de rapports sexuels. J'étais pleine de sang. Je voulais reprendre mes études mais il me disait que ce n’était pas facile, que je ne pourrais pas suivre, au début on sortait ensemble, mais ses amis et collègues de travail lui disaient que je pouvais être sa fille, après ses phrases répétées, il ne me laissait plus sortir, il a brûlé mes papiers. J’étais séquestrée seule avec deux chiens dans une maison meublée, sans personne a mes cotés, il me battait tout le temps, j’obéissais a ses ordres je n’avais personne a qui me confier, il ma obligée à tomber enceinte, je pensais que la venue d’un enfant rétablira les choses, j’ai subi des insultes, gifles, coup de poing, de pied et viols. J’ai fais une fausse couche à deux mois de grossesse. Il n’a même pas fait le geste de m’emmener a l’hôpital je me suis soignée toute seule, j’avais peur d’attraper une infection. J’étais loin de ma famille seule dans un pays étranger je ne connaissais personne je ne parlais pas la langue je ne sortais pas j’étais emprisonnée, ma famille croyait que je vivais le bonheur absolu, mon ex époux leur a menti, il leur disait que j’étais enceinte, fatiguée que je ne pouvais pas leur parler qu’on voyageait tout le temps. Qu’on vivait un conte de fée, et moi je lui demandais de me laisser partir, je n’avais pas de papiers, mais un jour ma belle mère est tombée gravement malade, là on était obligés de redescendre en Algérie à Oran, j’étais contrainte de le suivre, après la mort de ma belle mère, j’ai entame une procédure de divorce. Je suis restée en Algérie. Aujourd’hui j’ai repris mes études mais j’ai la chance de ne pas avoir d’enfant et d’avoir quitte Bachir aussi tôt, désormais, il fait partie de mon malheureux passé. »

Dans ce cas là que faire avec les hommes violents ? la prise en charge des auteurs de violences conjugales n’est pas une nécessité pour notre société alors que le traitement est aussi important pour l’auteur que pour la victime une psychothérapie s’impose pour aider l’homme à prendre conscience qu’il existe d’autres solutions à ses problèmes que la violence. Nul besoin d'user de sa force pour assujettir l'autre. Rabaisser, ridiculiser est le propre de la violence psychique.

Sihem Benkhemou

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